mercredi 7 mai 2008

" Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n'en lisent qu'une page "



Clint Sezalory est décédé en Inde à l'issue d'un magnifique voyage de 3 mois
qu'il avait commencé le 11 janvier 2008.

Bien qu'il venait juste de passer son 25e anniversaire, il avait déjà
vu du monde bien plus que tous ceux qui par manque de moyens, par peur ou ignorance n'auront jamais cette chance.

De Kinshasa a Varanasi en passant par les steppes de Mongolie, il a
découvert mille et une merveilles de la vie : vécu sur 4 continents
et créé des liens exclusifs et uniques avec chacune de ses rencontres.
Il restera a jamais l'ami précieux, le frère et le fils préféré.

Son aventure sur terre s'est fini a Varanasi, une terre sacrée qui
donne a ceux qui ont la grâce d'y mourir le Salut, la Paix et la
Délivrance éternelle.


La terre de Varanasi (Kashi) est le lieu de pèlerinage ultime pour les Hindous depuis une éternité. Benares souvent appelé, Varanasi est la ville de vie la plus vieille dans le monde.
C’est ainsi que Mark Twain l’a décrit:
« Bénares est plus vieille que l'histoire, plus vieille que la tradition, même plus vieille que la légende, et elle a l'air d'être plus vieille que toutes les trois ensemble .»
Les hindous croient que celui qui meurt sur la terre de Varanasi atteindra le salut et la liberté du cycle de naissance et de renaissance. Respecté du Lord Shiva et de Parvati, les origines de Varanasi sont encore inconnues. On croit que le fleuve du Ganges ( qui signifie La Mère ) dans Varanasi a le pouvoir d'emporter les péchés des mortels.



Son papa s'est rendu en Inde  dès le 13 avril et nous a confirmé que Clint est reposé beau et serein.

Clint a attrapé une forme de malaria aigue. Tragiquement mais heureusement, il ne s'est pas rendu compte de la gravité de son état, jusqu'au bout. Ses fièvres lui ont enlevé la vie
par surprise. Nous savons qu'il a bénéficié de tous les soins et de
toute l'attention que nous pouvions espérer.

Jusqu’ à son dernier souffle Clint fut fidèle à lui-même : libre et aventurier ; bercé d'amour,
de beauté, et de curiosité

Nous sommes très forts ensemble et entourés de toutes les personnes
qui nous aiment et aimaient Clint.

Nous sommes si fiers de son merveilleux parcours, si fiers de notre
frère et fils qui a toujours su écouté son cœur et trouver son
essentiel. 
Nous parlons, nous rions, nous pleurons … nous continuons à vivre, enrichi de son histoire.
Avec lui. Pour lui. Pour nous.




Découvrez Bob Dylan!

De batte, son coeur s'est arrêté

.

Bénares, sacré, mythique où tu as purifié ton âme. Je pense à toi petit homme, aventurier au fabuleux destin, Ulysse des temps modernes, il faut qu'à ton insu, notre esprit se souvienne, des passions de toutes tes vies antérieures, des kaléidoscopes de bonheur que tu as su donner à chacun de nous. 
Gardons en mémoire ton sourire, ton regard, ton éternelle jeunesse et ton coeur.
Shiva t'a volé aux tiens l'espace d'un instant. Nous te garderons pour l'éternité dans nos âmes, dans le secret de nos jardins.
tu seras là où on ne t'attend pas.

flux et reflux de la vie, oublier l'ineffable pour renaître, ouvrir et faire rentrer un souffle nouveau, saisir l'inconnaissable, éclaire nous de ta vie.















Extrait du livre Errance de Depardon

Clint l'avait placé dans son coffre quelques jours avant son départ :


L'errance a été une aventure unique. Un grand bonheur, une grande liberté, quelque chose que je n'avais jamais connu auparavant, même si je m'étais trouvé dans des situations analogues. J'ai beaucoup voyagé, j'ai traversé des pays que je ne connaissais pas. J'aurai sans doute envie de retourner dans certains d'entre eux, un peu comme l'assassin qui revient sur les lieux du crime. J'aurais peut-être dû parfois ne pas avoir de réservation de retour. Je l'ai fait plusieurs fois, j'aurais dû davantage encore me dire: «Je reste une semaine de plus.» Quelquefois je me demande pourquoi je suis parti à gauche, alors que j'aurais peut-être dû partir à droite...
L'errance a généré chez moi une nouvelle photo. On cherche toujours comment exister, comment regarder les autres, comment porter un re- gard sur les gens. Le fait de m'être imposé cette contrainte, ce plaisir et cette joie de l'errance, m'a obligé à faire une photo qui correspondait à la vision que j'en avais.




L'aventure de l'errance m'a permis de vivre dans le présent, d'être assez bien dans le présent. J'ai un problème avec le présent. Je pense beaucoup au passé, je suis obsédé par le passé, par des amours mal partagées, des regrets, des échecs, des plaisirs et des joies qui me reviennent tout au long de mes voyages. Et en même temps, je fantasme, je me projette dans le futur. La photo m'aide, et le cinéma aussi, à être complètement dans le présent. Il y a plusieurs manières d'être dans le présent. Voyager, aimer une femme, partager des choses très fortes, cela oblige à vivre dans le présent.
L'errance n'est pourtant pas liée au sentiment d'être, de rester quelque part, mais elle réside au contraire dans la quête de quelque chose. Cette errance, c'est d'avancer. Mais en avançant, je génère un passé. J'ai toujours un peu de regret. Je m'étonne parfois de n'être jamais satisfait.

J'ai eu la chance de parcourir le monde, d'aller où je voulais, sans aucune contrainte - sinon les règles du jeu que je m'étais données -, de faire les photos que j'avais envie de faire, de me remettre toujours en question, d'indiquer ma position pour bien dire qui je suis, d'avancer dans ma photographie, d'avancer dans mon expression, de me libérer d'un certain nombre de choses, par rapport à mon parcours, à la traversée que j'ai faite, depuis le journalisme et la photographie de reportage jusqu'à aujourd'hui où j'arrive vraiment à être le plus près possible de moi-même, sans rien perdre de la force que j'avais peut-être dans les premiers moments. Parce qu'il ne suffit pas de faire des plans, de prendre un billet d'avion, il ne suffit pas d'emporter un appareil photo, de décider qu'on fait des photos en hauteur ou en largeur, de choisir une pellicule noir et blanc... Il faut vraiment ressentir une nécessité pour faire ces photos. Avais-je cette nécessité? Avais-je la nécessité de faire ces photos, de m'éloigner des individus, de photographier ainsi sans frontières, de mélanger tout cela, de continuer cette quête du lieu acceptable?


Si je suis passé par des moments de colère, de découragement, de joie, d'incroyable enthousiasme, j'ai aussi connu des moments ordinaires, sans performances, portant mon regard sur les choses d'une manière la plus naturelle possible, la plus banale, la plus quotidienne possible. C'est cela que je voulais en fait. L'anti-moment exceptionnel.

C'est un peu ça l'idée de l'errance: qu'il n'y ait plus de moments privilégiés, d'instants décisifs, d'instants exceptionnels, mais plutôt une quotidienneté.